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samedi 26 juillet 2008

Les hommes cruels ne courent pas les rues


Le titre est surprenant. Surprenant mais facile, prévisible, assez prévisible pour que je l'achète sans même trop l'avoir feuilleté aux soldes chez Gibert. Eh, une petite mièvrerie de lecture facile pour l'été, et à 50 cents qui plus est, pourquoi dire non ?


Et voilà que j'ai adoré ce livre. Je l'ai dévoré. Le matin au petit déjeuner, dans le bus en allant au boulot, en revenant, avant de me coucher au lieu de zoner sur facebook ...


Il commence sur une citation de Louise Brooks


« Je n'ai jamais aimé que les hommes cruels. Les hommes gentils, c'est triste, mais on ne les aime pas. On les aime beaucoup mais sans plus. Vous connaissez une femme qui a perdu la tête pour un gentil garçon ? Moi non. »

(...) Hélas ! Les hommes cruels ne courent pas les rues.


C'est une histoire à deux voix, par chapitres alternatifs. D'un côté l'histoire de l'amour affectif d'une fille envers son père, depuis son plus tendre âge jusqu'au décès de celui-ci, malgré les excès, malgré les tromperies, malgré les absences. De l'autre, l'histoire de cette même fille, qui se réfugie à New York pour soigner ses déséquilibres sentimentaux, et recommencer à écrire.


_ T'es une drôle de fille, tu sais.

Il me regarde comme s'il n'était pas en service commandé. Je ne veux pas savoir ce qu'il entend par drôle de fille. Je retiens ce qui m'arrange : je suis spéciale. Je croise les jambes sous ma table et ramène mes savates. J'ai envie de tout lui dire alors. Parce que c'est important et qu'il ne s'en doute pas. Il croit que c'est une soirée comme les autres. Mais il ne sait pas. Je voudrais arrêter d'être en colère, tout le temps. C'est fatiguant. Poser les armes et lui raconter. Que je sais que Bonnie a tout manigancé et que ça me rebute. Que, la première fois que je l'ai vu, j'ai voulu le revoir d'urgence. Que j'aime ses poignets, ses coudes, son sourire, et que je m'en fiche pas mal que tout ça soit américain. Que si je vilipende l'Amérique d'aujourd'hui, c'est que je l'ai trop aimée avant. Que j'aime quand il me regarde avec des yeux qui m'écoutent.

Qui me disent que je suis unique.

Unique.



J'aime comment sont si bien décrites la société New Yorkaise, New York, ses rues, ses restaurants, son ambiance ...


Pourquoi est-ce que je n'ai jamais, jamais remarqué le vrai sourire de Bonnie Mailer ?

Pourquoi ?

Pourquoi j'ai pas compris que la moquette blanche et l'adresse qui pose c'est sa manière à elle de s'en sortir. Qu'elle est venue à New York pour se tailler une place au soleil et qu'elle est obligée de faire comme les autres : de s'or-ga-ni-ser. Blondir, bondir, maigrir, porter un morceau de vison, avoir plusieurs amants, un compte en banque bien rempli et le teint frais le matin au bureau. Epouser un type riche, s'éclaircir les cheveux comme Brooke Shields. Alors seulement elle peut souffler et se dire : « j'ai tout bon : les cheveux, le sourire, la moquette, l'adresse, le compte en banque, les amants, les yaourts maigres, je suis une vraie New-Yorkaise. » Mais, si elle a le malheur de laisser pousser ses racines, de prendre des kilos de plaisir, de baiser toute la nuit à en perdre le souffle et d'être flapie le matin au conseil d'administration des boulettes Kriskies, on ne la loupe pas. Y en a une autre derrière la porte, avec la jupe gabardine, la taille bouteille de lait, le brushing cartonné, les escarpins vernis et le jabot en noeud-noeud, toute prête à s'asseoir sur le fond encore chaud de sa chaise.



... Et bien sûr comment les sentiments, les sensations, les difficultés des relations sont exprimées ...


Les gens qui réussissent à s'aimer du premier coup, je me demande comment ils font.

A mon avis, ça doit être bidon.

C'est vraiment dur de se comprendre, de s'ajuster, au début. Chacun plaque sur l'autre son petit rêve misérable de bonheur en espérant que le miracle va prendre. Que les deux rêves ne feront plus qu'un. Ainsi surgissent les malentendus. On prend un mot pour un autre, un baiser pour un autre, un silence pour une communion. Charlatanisme de contes de fées ! Il n'y a rien de plus dur que les débuts : deux silences qui s'accordent, deux baisers qui veulent dire la même chose ou même deux soupirs à l'unisson. En fait, tout ça part dans toutes les directions mais on se persuade du contraire. On croit qu'on se promène la main dans la main quand on tire à hue et à dia chacun de son côté. Quand, moi, je croyais vivre le début d'une grande aventure, Allan, lui, se voyait pris dans le pétrin d'une relation pour la vie. Quand il m'embrassait dans la Cadillac, il se payait un bon moment sur fond de musique country alors que moi je dessinais des arbres généalogiques, fondais une dynastie à partir de nos deux prénoms enlacés, choisissais ma résidence principale et les prénoms de nos bébés.




"The difficult I do it right now, the impossible will take a little while."

mercredi 13 février 2008

Alabama song

En ce moment, je manque de temps. Du coup, niveau lectures, c'est simple : soit j'adore, et je dévore, soit ça ne finit pas de me convaincre, ça traîne pendant des lustres sur ma table de nuit et dans mes sacs, pour finalement finir oublié sous mon lit...


Alabama Song fait partie de la première catégorie. Autant j'avais détesté Weyergans, autant le Goncourt de l'année dernière est formidable.


Portrait à demi-imaginé d'une grande dame, icône des années folles, des années 1920, Zelda Fitzgerald, la femme de Francis Scott. J'admire la capacité de Gilles Leroy à se mettre dans les mots d'une femme, à retransmettre les sentiments, les sensations, les souvenirs d'un esprit schyzophrène et délirant, qu'on a pourtant tellement envie de croire.

Je n'ai jamais été une maîtresse de maison, ni une femme au foyer. Je laisse ça aux bonnes femmes. Je n'ai jamais su organiser un dîner, encore moins cuire un oeuf. La vaisselle, la lessive, nada. En fait il n'y avait rien à tenir, ni maison, ni ménage, ni buanderie car nous ne possédons rien. On déménage tout le temps d'hôtels en meublés. Ne rien posséder nous ruine. L'idée d'acheter une paire de draps ne nous a pas effleurés, par exemple. Quant à broder une paire de draps ou rien qu'un mouchoir, comme font les bonnes femmes, vous imaginez, professeur. J'aimais cette vie, ce tourbillon. Scott disait ça à ses amis : « j'ai épousé une tornade. » Vous ne pouvez pas savoir, professeur, la violence des tornades en Alabama. Je suis comme le ciel de mon pays. Je change en une minute. L'ironie du sort est de finir dans une chambre d'hôpital, réduite à n'être plus qu'une femme-tronc, une tête qui sort de la camisole.

mercredi 2 janvier 2008

Bouquinations


Ce soir, parlons bien, parlons bouquins, puisque j'ai profité des vacances et des heures de voiture pour lire...


Je ne vous parlerai pas beaucoup des Trois Jours chez ma mère de Weyergans, parce que, tout comme l'anonyme qui avait laissé un commentaire il y a peu sur je ne sais plus quel article, je n'ai pas aimé. Mais alors pas du tout. Je dirais même que c'était nul. Et je dirais même plus que c'était complètement à chier.


Bon, on a compris, ça m'a pas plu ! Pourquoi ? Parce que le narrateur, sous lequel ne transpire que trop l'auteur, se la pète incommensurablement, raconte tous les bouquins que tant d'éditeurs attendent de lui et qu'il ne prendra jamais la peine d'écrire, se vante de tous ses exploits sexuels aux quatre coins de la terre, relègue sa mère au fin fond des oubliettes, et passe son temps à faire du blabla auto-centré, à en croire qu'il en oublie ses potentiels lecteurs. Ok, le phénomène d'histoire dans l'histoire dans l'histoire (purée j'ai déjà oublié le nom de cette figure de style – bravo la lycéenne littéraire, esprit de monsieur Lambert, es-tu là ?!!!) n'est pas mal, mais de là à lui valoir le Goncourt 2005, sérieusement, je ne comprends pas.


Bref, parlons plutôt de Nicolas Fargue et de J'étais derrière toi. Ce livre se lit vite, normal puisqu'il est fait pour. C'est un discours direct, un immersion dans un monologue d'un homme qui s'adresse à celui qu'on devine être un ami, le monologue d'un mari cocufieur et cocufié qui raconte, qui explique, qui détaille, le pourquoi du comment, sa souffrance, ses sentiments, qui nous rappelle, simplement, que rien n'est jamais simple, et que les histoires d'amour ne se résument pas, parce qu'elles seront toujours trop personnelles, trop complexes, trop tout, pour que n'importe qui d'autre que leurs protagonistes ne les comprennent un tant soit peu.


J'aime le ton direct, les mots qui ne se cachent pas, la vérité qui fait mal, mais la vérité qu'on comprend, j'aime le manque d'aération, oui l'oppression tout au long du texte, l'habileté à faire corps avec le narrateur, ses sentiments, à comprendre finalement pourquoi il reste avec cette femme qui ne l'aime pas, pourquoi ils réessayent une, deux, trois fois, pourquoi il tente d'y croire, et pourquoi, au fond, ça ne marchera pas...


« Mais je tiens bon. Pendant deux jours. Pendant deux jours, je rentre à midi et le soir à la maison en essayant de ne plus penser à Alice, j'essaye comme un forcené de me persuader que j'ai fait le bon choix et que je n'ai désormais plus à m'en faire parce que je suis libéré de mes gros soucis et que tout reprendra comme avant, ma femme et mes enfants, papa et mari irréprochable, de retourner pour de bon au bercail avec une belle histoire à garder pour moi tout seul et Alexandrine, heureusement, qui ne s'est doutée de rien pendant tout ce temps, Dieu comme le monde est bien fait. Mais une fois tout seul dans ma voiture ou dans mon bureau, je ne peux pas m'empêcher d'imaginer le dépit d'Alice, là-bas, en Italie, et son sourire et la lumière de Romanze qui ne seront plus dans ma mémoire qu'un souvenir évanescent. Pensant à tort que ça fera un peu mois mal, je décide de garder dans mon portefeuille le bristol du restaurant, et dans mon ordinateur les photos et toutes les lettres. Tant qu'Alexandrine ne sait pas, je ne fais de mal à personne. Et puis, on a bien le droit d'avoir ses secrets, non ? J'existe aussi pour moi-même, non ? »


« Je suis peut-être naïf, je suis peut-être trop émotif, ou, tout simplement, je n'ai pas assez d'expérience pour en parler, mais j'ai du mal à imaginer qu'on puisse faire l'amour avec quelqu'un, même d'inconnu, même une unique nuit, sans qu'un lien fort en résulte. Deux corps qui se sont pénétrés, deux peaux qui se sont frottées l'une contre l'autre, deux salives qui se sont échangées se doivent des comptes, on ne peut pas s'en tirer comme ça, même si chez la plupart des gens, de fait, je sais que ça n'engage à rien. Je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse rester indifférent à quelqu'un avec qui on a couché. Pas toi ? »

samedi 29 septembre 2007

Au secours pardon



Ce roman est comme les derniers romans de Beigbeder (ie L'Egoïste Romantique), sans grand intérêt. Ca tourne en rond, ce n'est pas vraiment drôle, et puis on commence à le connaître, le personnage inconséquent et irresponsable d'Octave Parango...


Néanmoins, comme toujours, certaines belles phrases, oeuvre de l'éternel « sens de la formule » que j'adore chez ce type. Je vous en livre quelques unes...

« L'homme est une machine prévisible. »

« C'est si simple de devenir une bête immonde quand on vampirise la candeur. »

« Je détruisais ces mijaurées parce que j'allais mal, et j'allais mal parce que j'étais un mâle. »

« On n'a rien à perdre quand on n'aime personne. Ce n'est pas du nihilisme : c'est du capitalisme. »

« Les femmes de porcelaine nous donnent l'impression d'être un éléphant dans un magasin de Limoges. »

et quelques petits extraits

« Tu crois que je cherche à baiser des filles en enfilant une chaussette en caoutchouc sur la bite ? Hein ? Tu ne comprends rien ! Je veux que tu me serres très fort contre toi en m'expliquant comment on va être heureux ! »

« L'hédonisme est l'idéologie des gens qui n'ont plus d'espoir. Toute chimère est désormais interdite. La mondialisation fait de nous des techno-consommateurs pessimistes et résignés. L'amour est un rêve prohibé, comme tous les autres rêves, à part les crédits revolving. Le 21ème siècle ne se remettra pas d'avoir ridiculisé le lyrisme. »

jeudi 16 août 2007

Quand tu aimes, il faut partir


Ce livre, je l'ai acheté sans même savoir pourquoi. Enfin si, parce qu'il était une seconde main soldée de début août chez Gibert. J'ai fouillé dans les grandes caisses qu'on avait installées dehors, côté boulevard Saint-Michel, et j'ai emporté celui-là, et puis Les étoiles filantes, de Jacques Bellefroid, tous les deux à cause de leur titre, alors voilà...


Ce n'est pas tout à fait un roman, ni tout à fait un essai, plus un journal intime, arrangé au goût du dehors, sans fin, sans début, sans organisation - au premier abord.


"C'est drôle, quand je pense à ceux qui ont aimé avant moi,ce sont d'abord des hommes qui me viennent à l'esprit. Nerval, Verlaine, Schwob. Kafka. J'ai l'impression de si bien les comprendre. Parce que j'ai de la tendresse pour les premiers, et parce que je suis amoureuse de Kafka. Comprend-on vraiment mieux ceux qu'on aime ?

Ce que je suis, c'est toutes les femmes, parce que nous sommes toutes des amoureuses, la Parisienne crétoise sautant entre les cornes des taureaux, Ariane donnant le fil à Thésée, puis, abandonnée par lui, aussitôt battant la campagne avec Dionysos, Nausicaa jouant à la balle et découvrant Ulysse nu sur une plage, Sappho toute entière dédiée à l'amour et à la poésie, Phèdre contre les lois sociales éprise de son gendre, Antigone pour son frère debout face à la Loi, Mélusine femme-fée-serpent, et aussi la femme de Barbe Bleue glissant la clef dans la porte interdite, le Petit Chaperon Rouge gambadant à la rencontre du loup dans la forêt, et Ondine dans la rivière qui pleure son chevalier errant, Emma saoule de son Rodolphe, je suis toutes ces femmes sauf Pénélope, toutes ces femmes tour à tour impatientes, insaisissables, insoumises, joueuses tragiques ou joyeuses, jouisseuses, fragiles mais plus fortes que fragiles, aventureuses, libres.

Et ce que je veux, c'est l'amour, l'amour insouciant et celui qui remet tout en question, celui qui fait renaître, l'amour-passion, l'amour de loin, le fin amor, celui qui vous force à vous dépasser, l'amour platonique, l'amour sexuel, l'amour léger, l'amour sombre, l'amour lumineux, l'amour-tendresse, l'amour fidèle, l'amour infidèle, l'amour jaloux, l'amour généreux, l'amour libre, l'amour rêvé, l'amour-adoration, l'amour mystique, l'amour-pulsion, l'amour qu'on fait, l'avant, le pendant et l'après-amour, l'amour qui brûle, l'amour pudique, l'amour secret, l'amour crié, l'amour qui fait mal au ventre, l'amour qui fait bon au ventre, l'amour qui paralyse et celui qui donne des ailes, l'amour à mort, l'amour à vie, le premier amour, l'amour perdu, l'amour blessé, le prochain amour, parce qu'il n'y a pas de modèle, parce qu'il faut inventer ses amours, inventer sa vie."


"Jusqu'où faudra-t-il remonter pour trouver la cassure ? Les années d'enfance ? Je l'ai dit, une jeune bête. Volontaire, coquête, fière, bagarreuse. Il n'y a peut-être pas d'autre cassure que la nostalgie de cet état-là. Pas d'autre cassure que la succession infinie des déchirures imposées par le temps qui passe, la succession de toutes ces vies, tous ces amours, tous ces êtres, tous ces endroits, tous ces livres, tous ces moi, abandonnés et à jamais perdus... Pas d'autre cassure que celle de tous ces départs, anciens et à venir, car lorsqu'on a commencé à partir, voudrait-on s'arrêter ?"

lundi 14 mai 2007

Suite Française


Un roman inachevé sur l'exode, puis l'occupation, en 1940. Un témoignage écrit par Irène Némirovsky au moment même où ça se passait, sur les routes vers la zone libre, gardé et publié plus tard par ses filles.


"Ils regardaient les flammes au loin dans une hébétude profonde. Par moments ils oubliaient pourquoi ils se trouvaient dans ce lieu étrange, pourquoi ils avaient quitté leur petit appartement près de la gare de Lyon, couru sur les routes, sillonné la forêt de Fontainebleau, dévalisé Corte. Tout devenait sombre et fumeux, semblable à un rêve. (...) Tout à coup une rumeur courut parmi les groupes - "Les Allemands sont entrés à Paris ce matin"."

"Le village, depuis septembre, s'était déshabitué d'entendre des pas, des rires, des voix jeunes. Il était étourdi, suffoqué par la rumeur qui montait de cette marée d'uniformes verts, par cette odeur d'humanité saine, une odeur de viande fraîche, et surtout par les sons de cette langue étrangère. Les Allemands envahissaient les maisons, les magasins, les cafés. Leurs bottes sonnaient sur les carreaux rouges des cuisines. Ils demandaient à manger, à boire. Ils carressaient les enfants au passage. Ils faisaient de grands gestes, ils chantaient, ils riaient aux femmes. Leur air de bonheur, leur ivresse de conquérants, leur fièvre, leur folie, leur félicité mêlée d'une sorte d'incrédulité, comme s'ils avaient peine eux-même à croire à leur aventure, tout cela était d'une tension, d'un frémissement tels que les vaincus en oubliaient pendant quelques instants leur chagrin et leur rancune. Bouche bée, ils regardaient."

"Lucile aurait voulu savoir si la France plaisait à l'ennemi, mais une sorte de fierté pudique retint les mots sur ses lèvres. Ils continuèrent à boire leur café, en silence et sans se regarder.
Puis l'Allemand parla de son pays, des grandes avenus de Berlin, l'hiver, sous la neige, de cet air âpre et vif qui souffle sur les plaines de l'Europe centrale, des lacs profonds, des bois de sapins et des sablonnières.
Marthe brûlait de prendre part à la conversation.
_ Ca va durer longtemps cette guerre ? demanda-t-elle.
_ Je ne sais pas, dit l'officier en souriant et en haussant légèrement les épaules.
_ Mais que pensez-vous ? fit à son tour Lucile.
_ Madame, je suis soldat. Les soldats ne pensent pas. On me dit d'aller là, j'y vais. De me battre, je me bats. De me faire tuer, je meurs. L'exercice de la pensée rendrait la bataille plus difficile, et la mort plus terrible."


dimanche 8 avril 2007

Une Vie Française


A travers cinquante ans d'une vie humaine, on traverse de nombreuses aventures et, en pointillé, la Vè République, de De Gaulle à Chirac... (ça colle bien au programme de Duhamel !)


"Telle était ma famille de l'époque, déplaisante, surannée, réactionnaire, terriblement triste. En un mot, française. Elle ressemblait à ce pays qui s'estimait heureux d'être encore en vie, ayant surmonté sa honte et sa pauvreté. Un pays maintenant assez riche pour mépriser ses paysans, en faire des ouvriers et leur construire des villes absurdes constituées d'immeubles à la laideur fonctionnelle. En même temps, les boîtes des automobiles passaient de trois à quatre vitesses. Il n'en fallait pas plus pour que le pays tout entier fut convaincu d'avoir enclenché la surmultipliée.

Grandir dans cette France là n'était pas chose facile. Surtout pour un adolescent timide coincé entre Charles de Gaulle et Pompidou, son premier ministre."

mercredi 21 mars 2007

Moi, Charlotte Simmons



« Quelle plume saurait-elle immortaliser la béatitude qui illuminait le coeur de son système nerveux lorsqu'il s'arrangeait pour mentionner dans une conversation, de l'air le plus dégagé du monde, qu'ils étudiaient à Dupont ? Certains interlocuteurs, notamment quand ils appartenaient au beau sexe, ne cachaient pas leur admiration : ils souriaient, leur visage s'éclairait et ils s'exclamaient « Ah, Dupont ! ». D'autres, surtout parmi la gent masculine, se renfrognaient visiblement malgré leurs efforts pour conserver un air impassible, puis concédaient un « Je vois... »un « Oui ? », ou rien du tout. Ces deux types de réaction le ravissaient également, à vrai dire. N'importe quel étudiant de premier cycle à Dupont, comme lui, n'importe quel diplômé de Dupont, homme ou femme, connaissait la sensation, la chérissait, souhaitait l'éprouver au moins une fois par jour, si possible, et ce jusqu'à la fin de sa vie, cependant pas un d'entre eux ne se serait risqué à la rendre par écrit. »


Avouez que c'est frappant. Un petit clin d'oeil. Quelques similitudes. Le reste du livre se rapproche plus de ce que doit être la vie étudiante américaine : les fraternités, les campus, sans oublier la place essentielle du sport,...


Moi, Charlotte Simmons, de Tom Wolfe.

samedi 27 janvier 2007

La Dentellière (Pascal Lainé)


Ne vous fiez pas au titre, ni au nom des personnages.

«Pomme était encore toute petite quand il avait quitté la maison, son père. Elle l'avait sans doute oublié. Ni elle ni sa mère n'en parlaient jamais.
Avant de disparaître complètement il avait eu des éclipses déjà. On ne savait pas où il partait, ni pour combien de temps. Parfois trois jours, quelquefois six mois. Il ne disait rien avant. De ces gens qui se perdent en allant chercher une boîte d'allumettes, parce qu'il y a une autre rue après la rue du tabac, et puis une autre après. On n'a jamais fini le tour du pâté de maisons quand on y réfléchit bien. »

Pomme, en 1969. Sa vie avant, et puis ses vacances, son amour, l'ennui de l'autre, la fin de l'histoire et puis la maladie, et tout ça résumé en même pas 200 pages.

« Il sera passé à côté d'elle, juste à côté d'elle, sans la voir. Parce qu'elle était de ces âmes qui ne font aucun signe, mais qu'il faut patiemment interroger, sur lesquelles il faut savoir poser le regard.
Certes c'était une fille des plus communes. Pour Aimery, pour l'auteur de ces pages, pour la plupart des hommes, ce sont des êtres de rencontre, auxquels on s'attache un instant, seulement un instant, parce que la beauté, la paix qu'on y trouve ne sont pas de celles qu'on avait imaginées pour soi ; parce qu'elles ne sont pas où l'on s'attendait à les trouver. Et ce sont de pauvres filles. Elles savent elles-mêmes qu'elles sont de pauvres filles. Mais pauvres seulement de ce qu'on n'a pas voulu découvrir en elles. Quel homme n'a pas dans sa vie commis deux ou trois de ces crimes ? »

Un style bien particulier, abrupt, qui met des mots sur les sens, au point de presque leur donner une allure d'événement quelconque.

lundi 1 janvier 2007

The Perks of Being a Wallflower



Et puis pendant ces interminables heures d'avion (qui valaient bien la peine, je vous le concède !), j'ai lu le livre que Liz m'a envoyé pour Noël, The perks of being a wallflower, de Stephen Chbosky.

Charlie écrit des lettres à un inconnu, pendant un an.

Dear Friend,
I am writing to you because she said you listen and understand and didn't try to sleep with that people at that party even though you could have. Please don't try to figure out who she is because then you might figure out who I am, and I really don't want you to do that. I will call people by different names or generic names because I don't want you to find me. I didn't enclose a return address for the same reason. I mean nothing bad by this. Honest.
I just need to know that someone out there listens and understands and doesn't try to sleep with people even if they could have. I need to know that these people exist.

Pas facile d'avoir quinze ans et d'entrer en seconde quand on a tout du perfect jerk, et qu'on a des problèmes psychologiques dont on ignore encore la source... Difficile de comprendre la vie en société, la sexualité croissante et les affaires de famille...

So I decided to find another place to go and figure out why people go there. Unofrtunately, there aren't a lot of places like that. I don't know how much longer I can keep going without a friend. I used to be able to do it very easily, but that was before I knew what having a friend was like. It's much easier not to know things sometimes.

Et pourtant, tout expliqué avec des mots simples, c'est encore plus touchant...

That's when I started thinking about my sister.
(...) And when she started becoming a « young lady », and no one was allowed to look at her because she thought she was fat. And how she really wasn't fat. And how she was actually very pretty. And how different her face looked when she realized boys thought she was pretty. And how different her face looked the first time she really liked a boy who was not on a poster on her wall. And how her face looked when she realized she was in love with that boy.

Girls like guys to be a challenge. It gives them some mold to fit in how they act. The thing is some girls think they can actually change guys. And what's funny is that if they actually did change them, they'd get bored. They'd have no challenge left. You just have to give girls some time to think of a new way of doing things, that's all. Some of them will figure it out here. Some later. Some never.

It's just hard to see a friend hurt this much. Especially when you can't do anything about it except « be there ». I want to make him stop hurting but I can't. So, i just follow him around when he wants to show me his world.

Un petit air de L'Attrape-Coeur...

mercredi 13 décembre 2006

L'Amant (Marguerite Duras)


J'ai fini cette nuit L'Amant, de Marguerite Duras... chopé dans la bibliothèque familiale, juste parce que le titre m'intriguait, dans sa vieille édition toute jaunie...

"Quinze ans et demi. La chose se sait très vite dans le poste de Sadec. Rien que cette tenue dirait le déshonneur. La mère n'a aucun sens de rien, ni celui de la façon d'élever une petite fille. La pauvre enfant. Ne croyez pas, ce chapeau n'est pas innocent, ni ce rouge à lèvres, tout ça signifie quelque chose, ce n'est pas innocent, ça veut dire, c'est pour attirer les regards, l'argent. Les frères, des voyous. On dit que c'est un Chinois, le fils du milliardaire, la villa du mékong, en céramiques bleues. Même lui au lieu d'en être honoré, il n'en veut pas pour son fils. Famille de voyous blancs."

J'aime le fil des pensées, qui semble n'avoir pas de structure, mais qui est pourtant bien étudié.
J'aime le mélange des pronoms, des narrateurs, on a l'impression de se perdre dans la mémoire.

"Je ne sais pas qui avait pris la photo du désespoir."

J'aime le fond, l'histoire de prostitution amoureuse sans romantisme ni sentimentalisme démesuré.
J'aime les mots. Les phrases lointaines. Les images d'ailleurs.

"Je n'ai jamais écrit, croyant le faire, je n'ai jamais aimé, croyant aimer, je n'ai jamais rien fait qu'attendre devant la porte fermée."